11 Juin 2020
Ici le quotidien de la vie qui, pendant le confinement, s'est joliment réinventée dans le mouillage de la baie de Sainte Anne ... un texte écrit par l'équipage du bateau Rivendell, la famille de Max, noyre super petit journaliste de la Super Team ! Merci les amis!
Orin’anas, notre fidèle marqueur de mouillage habillé à la mode – merci aux Bateau Copains Baluchon!
Il est 20h10, pour nous pour la 56 ème fois d’affilée, ici dans la baie de Sainte Anne en Martinique.
Pour la 50 ème fois, il est temps pour Giorgio, ce saxophoniste retraité de l’Opéra de Turin, confiné sur son bateau à quelques centaines de mètres de nous. Temps pour une de ses mélodies, sur VHF, canal 10. Le soleil est couché, le village sur l’eau s’endort doucement; au son du saxo qui est transporté par le vent.
Deux mois qu’on y est, 2 mois que notre ancre n’a pas bougé du fond sableux de la baie de Sainte Anne en Martinique. On s’est échoué ici juste après avoir déposé les parents qui ont pris un des derniers vols pour rentrer en Europe.
Depuis ce 16 mars on est là, avec quelques 400 autres bateaux, dans cette vaste baie aux fonds entre 3 et 7 m. Le confinement y est strict, pas de sports nautiques, beaucoup de surveillance, bateaux de la gendarmerie, hélicos. Sur d’autres îles des Caraïbes c’est parfois pire, parfois mieux, mais somme de tout, le voyage s’est arrêté pour tous les gens de la mer.
Demain sera le 11 mai, on verra ce que les gens de la mer pourront faire de ce début de déconfinement ici en Martinique, alors que partout ailleurs c’est encore fermé.
Que nait de ces moments, journées, semaines ?
Au départ c’est la consternation, l’angoisse, l’incertitude. Rien n’est clair, les règles changent tous les jours. tout le monde avance en tâtonnant, on sent l’extrême incertitude de l’administration. Puis cela s’installe, on prend le rythme, on s’organise dans le cadre donné. Et du coup naquit ici a Sainte Anne, face à ce petit village tranquille, un autre village, une communauté sur l’eau, composée de gens de toutes nationalités, de tout horizon, de toutes classes sociales. Du vagabond des mers sur son petit monocoque de 9m aux catamarans de luxe de 17m et plus, du couple de retraités aux familles nombreuses, tous sont désormais dans le même bateau, tous doivent respecter les mêmes règles et restrictions.
Ce qui nous paraissait encore éphémère il y a 15 jours, s’installe doucement comme quotidien, comme nouveau « normal », comme plus que transitoire : le confinement.
Mais nous ne serions pas des humains si de cela nous ne saurions créer de la beauté, de l’utilité, de la solidarité, du partage ! Sans structure de décision, dans la simple bienveillance et entraide, dans l’intelligence commune, le respect du territoire et de ses habitants s’organise ainsi une communauté de voyageurs à voile qui défie les contraintes, tourne le mal en bien, saisit les opportunités.
Le matin à 8h se réveille le Cruiser Net sur la VHF canal 10, une institution quasi disparue avec les médias modernes. On se passe des infos, on se donne des nouvelles, Coraline nous donne le dicton du jour.
La communauté se parle sur les deux pages facebook « voiliers confinés en Martinique » et « Martinique cruisers information and events » . Les gens nagent de bateau en bateau pour se parler, s’arrêtent pour un rapide échange avec leur annexe sur des bateaux jusqu’à là inconnus – assez rare auparavant, dorénavant même plus une surprise.
Une infirmière à la retraite rassemble les ordonnances une fois par semaine pour récupérer les médicaments et les livrer sur les bateaux. Un panier de fruits et légumes a été négocié avec un grossiste, livré une fois par semaine, tout comme des colis de viande, les produits fumés, les bières (oui les couchers de soleil invitent à l’apéro), le rhum.
Ceux qui font des tours d’annexe « en ville» prennent les commandes / besoins d’autres bateaux pour leur éviter le déplacement.
Le maire du village est à l’écoute et en contact direct avec un représentant des voileux. La mairie met ainsi à disposition gracieusement un point d’eau pour approvisionnement.
Les poubelles sont gérés en bonne entente pour soulager le petit village.
Les pêcheurs locaux soufflent dans leur lambis pour avertir toute la baie quand ils arrivent avec leur marchandise afin qu’on puisse leur acheter leur succulent poisson. Un couple de jeunes sillonne la baie tous les jours avec pain et croissants frais, réceptionne colis et lettres, distribue fruits et légumes, sushi, poulet boucané et vivaneau en provenance d’une femme du village.
Les locaux du village restent très accueillants, du snack Boubou qui fait des permanences supplémentaires pour permettre aux bateaux de faire leur clearance, aux différents restaurants qui adaptent leur menu et proposent des plats à emporter aux prix revisités.
De la boulangerie qui ouvre ses portes tous les jours aux supérettes qui font un effort d’approvisionnement pour tous les besoins. La laverie qui continue à ouvrir car « on ne peut quand même pas vous faire ca, de fermer».
Des sourires à chaque rencontre, même avec masques, cela se voit lorsqu’ils montent jusqu’aux yeux. Nous faisons un effort pour consommer très local, faire vivre le village, ses commerces.
Sur les réseaux sociaux se multiplient les concours photos du mouillage, les partages de bons plans, les rencontres virtuelles entre bateaux-enfants.
On se fait interviewer, les articles sur ce drôle de village de 400 bateaux apparaissent un peu partout dans la presse internationale.
Nos soirées sont rythmées par 10 minutes de danse sur les ponts de nos bateaux à 19h30, du bruit des corne brumes et des applaudissements à 20h, suivi chaque soir du morceaux saxophone de Georgio.
S’en suit Véronique qui, toujours sur la VHF, lit une histoire aux enfants et leur souhaite bonne nuit. On a ainsi découvert l’univers de Daniel Pagès, une merveille! Le calme s’installe dans le village flottant ensuite, très souvent sans aucun vent, avec des centaines de feux de mouillage qui scintillent comme les étoiles et se reflètent dans l’eau. Les animaux reviennent, à l’instar de cette grosse tortue qui semble être chez elle entre nos bateaux, de ce barracuda d’un mètre qui chasse entre les coques et donne des frissons à plus d’un baigneur, ou ces mini-recifs artificiels que constituent désormais nos chaines, coques ou hélices.
Il fait bon vivre dans ce village!
Puis vient le temps des départs, ceux qui mettent leurs bateaux par dizaines sur des cargos et qui nous remplissent notre frigo avec leur surplus (merci Kaé, Boomerang et Nawaks!!) pour retrouver l’Europe, et souvent le froid, le confinement.
Ou ceux qui se lancent dans la transat retour (bravo Pemahé, Dolphin, Espiritu, Courante et tous les autres!), parcours compliqué et parsemé d’incertitude même si les Açores semblent pouvoir les accueillir.
Le déconfinement se pointe à l’horizon, on sera tous très heureux de ressentir à nouveau les embruns sur nos visages, mais ce village éphémère, ses coutumes, son peuple, son espoir, son entraide et son humanité va nous accompagner à jamais!
Vive les voiliers confinés puis bientôt déconfinés en Martinique, et merci a tous pour votre générosité!
Max et la famille Rivendell
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